L’Horloge du temps,
Quand on n’a que vingt ans on se fiche du temps,
On semble l’ignorer car l’on a tout son temps,
Même qu’on le méprise avec grande insolence
Autant qu’on le narguait durant l’adolescence.
On embrasse la vie avec force et sans fuir,
On s’inonde d’excès de désirs et plaisirs.
Les saisons sont l’été sans connaître d’automne,
On s’y plaît sans compter et l’on s’y abandonne.
On rêve de gravir les monts ou le Mont Blanc,
On rêve de voguer sur tous les océans,
On veut courir le monde et braver les frontières,
On ne vit qu’au présent, l’âme est aventurière.
Puis quand sonnent trente ans on se met à penser
Au temps bien consommé, au temps déjà passé,
Aux enfants qu’on n’a pas ; voilà qu’on s’interroge,
Il faut raison garder, on scrute son horloge.
Cette horloge du temps, qu’on ne saurait freiner,
Vient nous interpeller autant que raisonner
Car s’il est bien aussi un temps pour chaque chose,
Il ne faut pas manquer les trains porteurs de roses.
Plus tard si le destin est bien au rendez-vous,
S’il nous a entendu nous rendant un peu fous
En nous offrant l’enfant attendu comme un ange,
On aura bien gagné le plus beau des challenges.
On peut alors passer un pacte avec le temps,
Il nous aura comblé, peu importe nos ans,
Si l’âge n’est plus jeune, il reste respectable,
On aimerait qu’il stagne et là c’est peu plaidable.
Puis arrive ce temps qu’on voudrait ignorer
Qui devient avec l’âge un temps à défier
Quand nos pas sont moins sûrs, quand nos tempes grisonnent,
Quand on perd un ami et que le glas résonne.
Alors pour s’évader et combattre ce temps,
On regarde l’enfant, l’enfant de ses enfants,
Dans les bras de sa mère, inondé de caresses,
Pour qui cet autre temps n’est point une détresse.
Le bonheur est petit s’il est sans lendemain
Mais peut devenir grand quand sur notre chemin
Ayant connu l’ivresse au temps de sa jeunesse,
On connaît la tendresse en ces temps de vieillesse.
René Ed. Sidorkiewicz,
Santec, août 2023
Passez votre souris sur la photo pour l'agrandir.